A quand la prise de conscience ?

 

 

📚Les conclusions du dernier rapport du GIEC avec Nadia Maïzi

Nadia Maïzi, est professeur à l’École des mines de Paris,  et dirige le Centre de Mathématiques Appliquées. Elle est co-auteure du 6e rapport du GIEC.

🔍 Un document crucial à lire absolument

Nadia nous rappelle que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé à l’initiative de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, afin que les politiques puissent être associés aux recherches scientifiques. Il est publié dans le cadre des Nations Unies et exige un consensus scientifique international ainsi que l’approbation de quasiment tous les États  Autrement dit : tout ce qui y est écrit est approuvé à la fois par les politiques et les scientifiques.  Il est donc crucial de le lire.

Ces travaux du GIEC répondant aux questions suivantes : 

  • Est-ce que oui ou non nous sommes en train de subir un changement climatique ?
  • Ensuite, est-ce que les  les événements que nous traversons sont bien les répercussions de ce changement ?
  • Enfin, disposons-nous de solutions fiables pour y faire face ?

Le 6e rapport de synthèse du GIEC a été publié le 20 mars 2023 le jour où Kylian Mbappé a inauguré ses galons de capitaine des Bleus. Autant dire que le rapport n’a pas reçu l’attention qu’il mérite. 

Comment est-il construit ?

Ce rapport évalue  18000 papiers scientifiques. Il comprend une  synthèse (executive summary) de 80 pages ainsi qu’un résumé de 36 pages destiné aux décideurs politiques. C’est à minima cette synthèse qui est à lire. Dans les rapports complets il existe un index détaillé qui vous permet de rechercher ce qui vous interesse par mots-clés.

🧐 Comment le lire ?

Tableau classant l'attribution des changements climatiques physiques observés à l'influence humaine avec différents niveaux de confiance. À gauche, "Augmentation de la sécheresse agricole et écologique" et "Augmentation des conditions météorologiques propices aux incendies" sont marquées avec une confiance moyenne. Au centre, "Augmentation des inondations composées" et "Augmentation des précipitations intenses" sont considérées comme probables. À droite, "Recul des glaciers", "Élévation du niveau de la mer global", "Acidification des océans de surface" et "Augmentation des extrêmes de chaleur" sont qualifiés de très probables à pratiquement certains. Des icônes représentent chaque phénomène climatique.

Le rapport synthétise les connaissances scientifiques sur le changement climatique entre 2015 et 2021, incluant ses causes, ses impacts et les mesures possibles pour l’atténuer et s’y adapter. Ce rapport contient des informations associées à un niveau de confiance (de très bas à très élevé) et un niveau de probabilité (de pratiquement certain, à extrêmement improbable). Il se divise en trois groupes de travail :

  • le premier groupe traite des bases scientifiques physiques du changement climatique,
  • le deuxième évalue les impacts, les risques et l’adaptation au changement climatique dans les villes,
  • et le troisième groupe se concentre sur les solutions pour faire face à ces défis. C’est dans ce 3e groupe que Nadia a été impliquée.

📚 SES CONCLUSIONS

 🌡️ Oui, le climat se modifie et même accélère ses modifications

Image d'un graphique représentant les variations de température dans l'hémisphère nord au cours des derniers 1000 ans. L'axe des ordonnées montre les écarts de température en degrés Celsius par rapport à la moyenne de 1961 à 1990, allant de -1,0 à +0,5 degré. L'axe des abscisses représente le temps, allant de l'an 1000 à l'an 2000. Le graphique montre une série de données en bleu, avec une ligne de tendance en noir, qui sont basées sur des sources indirectes telles que les anneaux d'arbres, les coraux, les carottes de glace et les archives historiques. À partir d'environ 1900, des données directes provenant de thermomètres, représentées en rouge, montrent une hausse marquée de la température. La période après 1900 est caractérisée par une augmentation nette des températures, avec des pics particulièrement élevés vers la fin du XXe siècle.

source : David J Griggs

Les deux premiers volets ont confirmé et amplifié les messages liés à ces deux évaluations :  oui, il y a une modification du climat dû à l’action de l’homme. Les émissions de gaz à effet de serre depuis dix ans n’ont jamais été aussi élevées en moyenne annuelle et on assiste à un emballement de leur accroissement. Nous connaissons  un réchauffement moyen de 1,1 degrés par rapport à la température de l’air pré-industrielle, (c’est-à-dire au moment où on a commencé à exploiter des ressources qui génèrent énormément de gaz à effet de serre de manière très systématisée et dans les pays industrialisés), et de 8°C par rapport à l’ère glacière. Maintenant c’est l’ensemble de la planète qui participe à ces émissions. Le deuxième volet  a confirmé que les effets des changements dus à ce réchauffement étaient de plus en plus évidents : il y a de plus en plus d’événements extrêmes, des incendies, des inondations, des glissements de terrain, dont l’intensité de plus en plus forte et la fréquence de plus en plus rapprochée

Graphique du GIEC 
illustrant l'augmentation de la température mondiale depuis 1900 jusqu'à 2100 par rapport aux niveaux de 1850-1900, avec une démarcation claire en 2020 où sont présentés différents scénarios d'émissions futures. Des nuances de couleurs de bleu à rouge représentent l'augmentation progressive de la température, avec des icônes de personnes marquant les générations nées en 1950, 1980 et 2020, ainsi que leurs âges prévus en 2050 et 2090. Le graphique met en lumière l'influence des actions présentes sur les futures conditions climatiques.

Les choix de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’aujourd’hui façonneront directement la qualité de vie des générations actuelles et à venir, avec des conséquences s’étendant bien au-delà de l’année 2100.
⚠️ A noter : En France nous en sommes à +1,2°C et dans un monde à +1,5°C, nous allons connaitre +2,3°C d’accroissement des températures. 

Graphique des projections d'émissions de gaz à effet de serre (GES) montrant différentes trajectoires jusqu'à l'année 2100. L'axe des ordonnées représente les milliards de tonnes de CO2 équivalent par an et l'axe des abscisses le temps de 2000 à 2100. Les courbes illustrent les émissions passées, les politiques actuelles, et les contributions déterminées au niveau national (CDN) avec des trajectoires pour limiter le réchauffement à 2°C et à 1,5°C, et un objectif de 'net zéro'.
Stratégies d’atténuation et projections des émissions de gaz à effet de serre. Source GIEC traduction The Shift Project

Les engagements actuels des pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont très largement insuffisants. Malgré les promesses faites, les trajectoires basées sur les politiques existantes nous placent sur une voie alarmante, conduisant à un réchauffement bien au-dessus des seuils de sécurité de 1,5°C et 2°C fixés par l’Accord de Paris, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour notre planète.

Nadia rappelle qu’avec +1,5° les scientifiques confirment que nous connaitrons déjà de grands bouleversements et des grands drames.

⚖️ L’ injustice climatique

La modification du climat est injuste : 

Ceux qui contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre, les pays dit du Sud,  sont  les plus vulnérables aux bouleversements du climat. L’Europe et l’Arctique subiront certes les plus fortes hausses de températures, mais l’Afrique et en particulier l’Afrique subsaharienne connait déjà une intensification des périodes de sècheresse, et dans un futur proche ce seront les zones méditerranéennes et australes du continent qui seront les plus touchées par le manque de pluie. La situation est d’autant plus inquiétante que la fragilité de ces états et  la vulnérabilité de ces populations aux effets du changement climatique sont importantes.

🛠️ QUELLES ACTIONS ?

Le 3e volet du rapport est dédié à l’ensemble des solutions qui permettraient de diminuer ou d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre.

En faisant  l’hypothèses que des politiques efficaces  soient mises en place, que les infrastructures soient aménagées, que les technologies soient accessibles, alors mi bout à bout tous les leviers permettraient de diminuer de 40 à 70% les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Cependant, pour que ce soit faisable, il faut que tout un ensemble d’éléments se mettent en place de manière concomitante. Il s’agit bien de la grande difficulté  :  ce système est très interconnecté.  Les différents éléments sont liés les uns aux autres . « En  appuyant à un endroit , on ne va pas forcément faire baisser le niveau global. Peut-être va-t—on même  faire remonter à un autre endroit ce niveau d’émission ».

💭 Changer d’attitude

Ainsi  le premier moyen, le plus évident en terme d’efficacité,  c’est de changer nos comportements. Si nous diminuions notre température du chauffage , alors nous avons un impact direct. Cela nous concerne tous.

🚲 Modifier nos technologies, oui mais

Ensuite nous pouvons modifier le type de technologie auquel nous faisons  appel.  Prendre son vélo au lieu de prendre sa voiture. Marcher plutôt que de prendre le vélo électrique.  Là on arrive à la dimension politique : existe-t-il des trottoirs là où j’habite pour marcher ? Est-ce qu’il y a des pistes cyclables ? Pour que ce soit possible, il ne s’agit pas uniquement d un problème de décision individuelle. C’est un problème collectif à traiter tout de suite et très rapidement.

Nadia insiste sur la difficulté de la préconisation des solutions : il existe des boucles de rétroaction permanentes. Aussi faut-il réfléchir l’ensemble de manière très cohérente et planifier.

💰 Financer tout cela

Le chapitre 15 du rapport du GIEC concerne la Finance. Il met en avant la faiblesse des flux financiers. En 2016, les financements pour le climat étaient de 681 milliards de dollars par an. Pour atteindre l’Accord de Paris, ils devraient être 3 à 6x plus élevés.

Aujourd’hui, la finance climatique se focalise à plus de 90% sur l’atténuation du changement climatique, dont 70% dans les énergies renouvelables. Elle devrait se tourner davantage vers le financement de l’adaptation de nos sociétés au changement climatique.

🔄 ENCLENCHER UNE BIFURCATION

En effet c’est tout le système qui doit être transformé, et tel est bien le message du GIEC :  « il existe un panel de solutions,  depuis la demande à l’offre en associant les politiques, les investissements, le financement, en considérant les externalités, la question des ressources, la question de toutes les technologies et toutes les conditions d’opération qui vont aller derrière et la question de la disparité régionale, du respect des modes de vie, des cultures. « 

Dans cet esprit, Nadia nous parle alors de TTI.5 (The Transition Institute 1.5), initiative des Mines Paritec et qu’elle va diriger. Cet institut associe l’ensemble de ces éléments , avec une approche transdisciplinaire, pour penser ensemble grâce à 6 prismes et élaborer des réponses plus concrètes des solutions et enclencher une véritable bifurcation. Car, décidément, « On n’apprécie pas le danger à la hauteur de ce qu’il est ». 🌱

💬 Dirigeants d’entreprises, avez-vous réellement pris conscience des risques que le changement climatique fait porter sur votre entreprise ? Quelles initiatives comptez-vous prendre pour intégrer les connaissances du dernier rapport du GIEC dans votre stratégie d’entreprise ?1 Quelles mesures votre entreprise prend-elle pour intégrer le leadership climatique dans sa stratégie globale ?


Cet article a été rédigé notamment à partir de mes notes visuelles prises lors de la conférence donnée par Nadia Maizi le 28 novembre 2023 pour le parcours CEC du Monde Financier et du Podcast de Laure Caruso, Courant Porteur .


 

Dans la même série :

LES GRANDES LIGNES

 

 


Pour appréhender le Rapport du Giec en français :

    • Pour un réveil écologique (collectif fondé par des étudiants visant à intégrer les enjeux écologiques dans le quotidien et les choix professionnels).

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