Oser franchir le pas, accepter la dimension infinie en soi-même et le faire ensemble
Aurais-je lu le livre d’Alain Gauthier, Le co-leadership évolutionnaire, si je ne l’avais pas rencontré auparavant ? C’est peu probable, car les titres mystérieux tendent à me rebuter. D’ailleurs je me mélange les pinceaux à chaque fois dans le positionnement du co : « co-leader » ou « co-évolutionnaire » ? Peu importe après tout, l’essentiel est dans le message : oser franchir le pas, le faire ensemble, et évoluer, ou plutôt accepter la dimension infinie en soi qui amène à évoluer. Vous l’aurez compris, le message est vaste, mais le livre est particulièrement fourni en références bibliographiques et pourra vous servir de liste de lecture pour les trois ans à venir. Merci à Alain de rendre hommage à ses maîtres !
Alain Gauthier est conseil et coach d’équipes, aussi son livre s’adresse-t-il aux dirigeants, ou plus exactement aux dirigeants qui cherchent, qui doutent, qui pensent, comme le dit Patrick Viveret, qu’après le salut par l’indulgence c’est le salut par l’économique qui atteint aujourd’hui ses limites et qu’il nous faut jouer en partenariat avec l’évolution. Leur insatisfaction créatrice leur donne courage, perspicacité et discernement pour rechercher une autre voie. Le leadership, nous dit Alain, vient en effet de la racine indo-européenne « leith », qui signifie aller de l’avant, franchir un seuil ou même mourir. Laisser quelque chose de soi derrière soi pour pouvoir aller à la recherche d’autre chose. Il s’agit d’agir avec courage, non pas comme Napoléon franchissant le pont d’Arcole mais comme Indiana Jones dans la Dernière Croisade posant le pied sur un pont invisible et pourtant bien présent.
Comme le défi est grand, l’environnement complexe et le travail intérieur plus facile en interaction avec d’autres, ces leaders acceptent l’humilité et choisissent d’y aller en équipe. Pas « avec leur équipe », mais « ensemble ». Tout le monde est leader, les risques sont pris ensemble. Le leadership est un art à la fois individuel et collectif, il devient co-leadership.
Qu’est-ce qui attend ces leaders ? Ils partent en quête d’un chemin sur lequel ils vont jouer en harmonie au service du bien commun. Sur ce chemin, le « nous » n’est pas fusionnel, chacun se comporte en partenaire co-responsable, à la fois extrêmement exigeant et extrêmement bienveillant. Il s’agit de passer de notre paradigme actuel basé sur la compétition, le « ou/ou » à un nouveau paradigme, celui du partenariat, le « et/et ». On s’engage à « jouer grand » ! Co-diriger, c’est avoir une orientation commune, être d’accord sur les modalités d’interactions, s’engager mutuellement au service des buts recherchés à plus long terme. On va s’ajuster mutuellement, rechercher le sens partagé, et apprendre ensemble.
Les dimensions du co-leadership évolutionnaire
Comment faire cela précisément ? Le travail s’effectue à trois niveaux :
Une pratique personnelle auto-reflexive : tenir un journal de bord par exemple de ses réflexions, observations, enseignements tirés. Arriver à une meilleure connaissance de soi, avec ses zones d’ombres et de lumières, et ses contradictions. Distinguer désir et intention, développer son intuition et sa présence.
Les pratiques interpersonnelles ensuite : suspendre son jugement, écouter pleinement, pratiquer le dialogue, voir le conflit comme une occasion d’apprendre, et plus largement se soucier des processus, de manière à élaborer, appliquer et évaluer ensemble les règles du jeu.
Les pratiques systémiques enfin : construire une vision partagée, écouter et co-élaborer en intelligence collective, réaliser des voyages apprenants dans d’autres cultures ou contextes.
Alors, que pensez-vous de cette approche de la maîtrise personnelle, la cinquième discipline de Peter Senge, effectuée en « co », -en compagnie-, sur les chemins de Sri Aurobindo, de Teilhard de Chardin, de Bergson et aujourd’hui de Ken Wilber et de bien d’autres ? Elle commence pour le coach par proposer un cadre de travail, un « design », tel que les participants puissent se dévoiler sans prendre de risques et élaborer un référentiel commun qui tende le plus possible vers le Vrai, le Beau et le Bien de Platon. Ai-je atteint le degré de sagesse et de maturité nécessaire ? Vaste question que je m’en vais de ce pas méditer..
A lire : Rencontre avec Alain Gauthier