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Vision Partagée

« Le fruit le plus important de la vision partagée c’est la transformation qu’elle engendre.

Rencontre Ouverte avec Meryem Le Saget, 5 juillet 2013 : Entreprise Collaborative et Vision Partagée. Compte-Rendu


J’avais invité une sceptique : une ancienne dirigeante d’entreprise industrielle qui, quelques années plus tôt, avait voulu engager ce type de démarche mais qui n’avait pas rencontré de consultant ayant su convaincre son comité de direction de se lancer. Ses derniers mots «finalement  c’est possible » expriment le message clé  de la Rencontre : la démarche de Vision Partagée , en particulier le Deep Visioning  qui peut impliquer la totalité des collaborateurs dans une entreprise de plusieurs milliers de personnes, entraine une transformation en profondeur, à condition qu’elle soit menée avec exigence et rigueur en partenariat avec le client.

Vision partagée : éclairer le futur

Rien de nouveau en effet  dans la volonté d’éclairer le futur, nous dit Meryem Le Saget, auteur du Manager Intuitif (Dunod 2013), la démarche de vision partagée n’est ni plus ni moins qu’un travail sur la vision stratégique de l’entreprise et s’effectue avec les mêmes outils et le même sérieux[1] . A ceci près qu’elle va impliquer tout ou partie des collaborateurs, ce qui change tout !  Effet secondaire intéressant de ce type de démarche : l’engagement des collaborateurs, qui renouent avec ou décuplent  leur motivation et leur intérêt en devenant eux-mêmes stratèges.

Le dialogue avec les participants s’orientera principalement dans trois directions : celle des entreprises qui se lancent dans ce type de démarche et leurs caractéristiques, celle pratique et concrète, du « comment faire » autour des points délicats que sont la durée d’un tel processus et l’engagement du management,  enfin celle qui interpelle  l’intervenant lui-même, sa posture, ses compétences et les lieux et façons de se former et de progresser.

Quelles entreprises se lancent-elles dans une démarche qui peut les engager sur plusieurs années[2] ? Potentiellement, toutes, même celles qui n’ont pas de volonté affichée d’humanisme ou de participatif. Car toutes ont expérimenté les limites de la planification stratégique classique et toutes ont besoin d’une stratégie qui prenne en compte l’étendue  de leur entreprise et sa complexité. Seule Leroy Merlin s’y est engagée avec l’ensemble de ses collaborateurs (10000 au démarrage du processus, 20000 aujourd’hui), devenant le « champion du monde » de la vision partagée[3].   De nombreux départements de nos grandes entreprises publiques et privées s’y sont adonnés, en intégrant dans l’analyse les données de la stratégie du groupe. Certes, en période de plans sociaux, les entreprises se lancent peu dans des démarches dont la caractéristique est de mobiliser l’intelligence collective. Question de cohérence de discours.

Que se passe-t-il en effet lorsqu’au cours du processus il se produit une rupture majeure de l’environnement ? Et bien, on repart pour une nouvelle version, nous dit Meryem.  A tout nouvel événement correspond une nouvelle analyse. A noter cependant que dans une entreprise où chacun a acquis des compétences en stratégie, sait lire les signaux faibles, les analyser en terme de menaces,  et comprend leur impact sur le positionnement de l’entreprise, les ruptures sont connues et prises en compte bien plus tôt. L’entreprise y réagit plus rapidement, de manière quasi-organique.

Et le management, là-dedans ? Est-ce qu’on court-circuite le management intermédiaire dont certains auteurs disent qu’il est amené à disparaitre des organisations moins hiérarchiques ? Est-ce qu’on implique le top management ? La réponse dans les deux cas  est sans hésitation : on implique ! Le top management est directement concerné, et sera tenu au courant et invité à donner son avis sur les visions partagées qui s’élaborent ça et là dans l’organisation. Le management intermédiaire quant à lui est un constituant de l’organisation, il la connait bien, il a bien évidemment un rôle à jouer dans la vision. Alors, est-il  besoin de travailler sur la gouvernance ?  C’est la transformation plus que le processus de vision qui amènera l’entreprise à faire évoluer sa gouvernance, de manière à rester très fluide, très agile et à géométrie variable selon les projets.

Comment dès lors contribuer à ce que ce type de démarche se développe, se demande un participant. C’est ainsi qu’un dialogue sur la responsabilité de l’intervenant s’engage : faut-il dire à son client qu’il doit lâcher prise ? Prendra-t-il au sérieux quelqu’un qui parle de lâcher-prise, demande Meryem, alors qu’il a plusieurs centaines voire quelques milliers de personnes sous sa responsabilité ? Car le dirigeant entend alors « moi je l’ai fait, mais pas vous». .. Certes, comme nous tous un jour, il aura besoin de sa confiance dans le groupe ou dans le processus pour traverser les quelques instants de doute qui caractérisent notre métier, mais il le découvrira lui-même et en sortira peut-être transformé. En attendant, il contrôlera toutes les étapes de la co-construction du processus. La responsabilité de l’intervenant consiste à détenir les compétences nécessaires : pour le « deep visionning », beaucoup de consulting stratégique, une bonne dose de dynamique de groupe, une pincée de capacité à contracter sur des processus évolutifs et une solide  boite à outils participatifs modulable. J’oubliais la capacité à changer de casquette : tantôt consultant capable d’orienter dans la bonne direction, tantôt facilitateur à la disposition du groupe, tantôt coach pour aider le client à trouver ses propres réponses. Bien mais alors, comment apprend-on ? Comme l’a fait Meryem Le Saget, auprès  de mentors ? La question reste chez nous ouverte…

Quelques mots de la fin

« J’ai compris l’Importance de l’analyse avant la vision. Notamment dans le monde associatif, la société civile, la dimension analytique manque.  

« J’ai envie de formation et de supervision.

« Je retiens les couples Contrôle- lâcher prise et intuition-analyse.

« Le fruit le plus important de la vision partagée c’est la transformation qu’elle engendre.

« Pour aller à la performance il faut plus d’agilité et d’humanisme  

« La transformation prend du temps.

« Chacun stratège.

« Puissance du collectif et incontournable rôle du dirigeant.

« La vision se passe au niveau du  cœur alors que  l’outil du consultant est la logique, la tête. Cela demande au  consultant-facilitateur un  degré de conscience très élevé et une  maturité importante. C’est notre  plus gros challenge .

« La vision représente l’élément le plus stable d’une transformation surtout quand elle est partagée par  chacun stratège

« C’est possible ! 

Lire le compte-rendu de participants : Christophe Addinquy


[1] Pour plus de détails voir mon interview de Meryem Le Saget

[2] Oui, vous avez bien lu, plusieurs années si vous comptez plusieurs milliers de collaborateurs et que vous voulez une vision réellement remontante.

[3] Pour des études de cas et notamment cette histoire-ci, lisez La pratique du leadership partagé – Une stratégie gagnante d’Edith Luc, et Meryem Le Saget , aux Presses de l’Université de Montréal

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